samedi 11 octobre 2014

Histoire probablement vraie.


La petite collation de cette fin de semaine s'attarde un petit peu. Les histoires que Serge raconte si bien, ponctuées par les rires des amis et des voisins, appellent cette dernière bouteille qu'on boit à la santé du petit dernier d'untel, puis cette autre dernière bouteille qu'on engloutit pour arroser le nouveau diplôme de l'aînée.
Il est 23h30, quand Ulysse, le "petit" Dobermann familial, vient camper son imposante stature au milieu des festivités, avec dans sa gueule, quelque chose d'indéfini que les effluves éthyliques empêchent d'identifier. Fier comme Artaban, son petit bout de queue ridicule tentant de brasser l'air du soir, le brave Ulysse attend sa flatterie en déposant son butin aux pieds des invités.
« Mais c'est Pitchoune ! » s'écrie Paulette la maîtresse de ces lieux de fiesta et aussi maîtresse de l'improbable Ulysse. Affolée et furieuse devant cette abomination, Paulette punit sur le champ l'infâme Dobermann, qui dépité, s'en retourne à sa niche, frappé d'anathème par l'assemblée vengeresse.
A l'issue d'un minutieux examen collectif autour de la boule de poils gisant à terre, tout ce petit monde de fêtards s'accorde à admettre qu'il s'agit bien de Pitchoune, la petite chienne bâtarde de leur vieux voisin. Tous arborent cette mine déconfite qui sied parfaitement à cette soirée définitivement gâchée. Que faire ?

Robert vit seul, en parfaite communion, avec sa petite Pitchoune depuis la mort de son épouse. Il est très attaché à son animal de compagnie, nul ne peut lui conter la triste mésaventure sans s'attendre à de douloureuses représailles.
La décision collective, issue de cerveaux embrumés, s'avère pour le moins surprenante. L'idée émane du cadet des convives qui déclare : « On va la laver, puis on la remet gentiment dans la niche ». Stupeur autour de la réflexion tordue du locuteur ! « Mais enfin, tu n'y penses pas, c'est idiot » lance une voix anonyme. Malgré le regain d'activité de quelques neurones encore vaillants, pas le moindre petit halo d'intelligence ne vient dessiller les yeux de cette sinistre communauté.
Personne n'ayant pondu une proposition plus sérieuse, le collectif s'affaire à baigner, nettoyer et parfumer le défunt animal avant de le glisser prudemment à l'intérieur de sa niche, sans éveiller le moindre soupçon de la part de ce malheureux Robert. Quelques rires mal venus viennent même polluer ce sombre spectacle, avant que tout ce petit monde s'éparpille vers des rêves ténébreux.

Le lendemain matin, Serge, le mari de Paulette, alors qu'il ouvre son portail, se retrouve nez à nez avec Robert. Ce dernier, le teint cireux, les yeux écarquillés, le front strié de rides inquiètes, les lèvres tremblantes, marmonne des paroles incompréhensibles en faisant des gestes saccadés comme on en voit le samedi soir dans les boîtes à la mode. Sans vergogne, Serge l'interpelle :
              -  Que vous arrive-t-il Robert ? On dirait que vous avez vu un fantôme !
              -  Écoutez, je comprends plus rien, ma chienne est morte voilà deux jours, je l'avais enterrée, et ce matin, alors que je voulais démonter sa niche, je la trouve toute propre et parfumée sur sa litière !
Mais dites-moi, vous avez veillé tard hier soir, vous n'avez rien vu ?
              -  Euh ! non !


Dd



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